Être ou ne pas être catholique, telle est la question

J’ai lu ce texte, d’un certain François H., proposé à la lecture par le site Benoît (XVI) et moi et lié par le Salon beige. D’après l’auteur, la ligne générale de La Croix est trop éloignée de celle du pape (trop de tribunes critiques, pas assez de soutien dans les moments difficiles), à tel point qu’il conclut en recommandant au journal de s’interroger sur un éventuel changement de nom – ce qui, l’auteur pourrait le dire plus franchement au lieu de s’en défendre assez maladroitement par la suite, revient en somme à dire à un certain nombre de journalistes : « vous n’agissez pas en catholiques, vous devriez être cohérents avec vous-mêmes et cesser d’être catholiques ». Plus généralement, j’entends autour de moi et je lis sur Internet un certain nombre de réflexions qui vont dans le même sens.

Vous émettez de sérieuses réserves sur la pertinence de tel ou tel dogme, ou, au minimum, vous avouez que certains n’occupent guère de place dans votre vie de foi ? Hé bien, allez-y, prenez la porte, elle est ouverte ! Et d’abord pour qui vous prenez-vous, pour vous croire plus intelligent que le pape et ceux qui le conseillent ? Vous trouvez malvenues certaines déclarations pontificales ? Vos frères dans le Christ ne vous excommunient pas, mais vous le mériteriez. Vous jugez superflues certaines prescriptions morales ? Anarchiste ! Certaines dispositions du droit canon vous semblent en contradiction flagrante avec la charité la plus élémentaire ? Moderniste !

Alors, oui, La Croix ne soutient guère le militantisme anti-avortement. On peut s’en indigner. On peut aussi chercher à comprendre. Quels discours tiennent les militants anti-avortement sur d’autres sujets ? Qui tente régulièrement de récupérer et de parasiter les manifestations anti-avortement ? Le dernier catholique « traditionnel » (pas un extrémiste alcoolisé, non, un paroissien lambda de la Fraternité Saint-Pie-X, bonnes études, bonne présentation) avec qui j’ai longuement discuté – par ailleurs un brave type – mélangeait joyeusement lutte contre l’avortement, négationnisme et antisémitisme bas du front. Je veux bien prier ou picoler aux côtés de ce genre de phénomène, mais manifester, certainement pas ; alors imaginez pour quelqu’un qui maîtrise mal les références du milieu… (Et ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, je sais très bien que la Marche pour la Vie rassemble avant tout de jeunes Parisiens et Versaillais de bonne famille, pas plus antisémites que Dominique Strauss-Kahn… j’y ai participé). Si le militantisme anti-avortement s’était orienté de façon un peu plus soutenue, dès les années 1970, vers des actions de type Mère de Miséricorde, on n’en serait peut-être pas là.

Il y aussi le complot-des-méchants-médias-qui-ne-nous-aiment-pas (auquel semble croire François H.), face auquel La Croix aurait paraît-il dû défendre le pape avec plus d’ardeur.  Nous autres catholiques avons beaucoup de mal à l’accepter, mais la vérité, la voilà : le monde ne s’intéresse pas beaucoup à nous. Alors on s’invente des complots, des cabales. C’est l’un des problèmes auxquels conduit l’utilisation d’Internet : on ne lit plus que les blogs ou les médias de son courant de pensée, et du coup, on s’imagine que dans les bistros, tout le monde ne parle que du dernier motu proprio, de la dernière encyclique, que le mariage des prêtres et la transsubstantiation font la une. Certes, la pédophilie a été traitée en première page : une preuve du complot ? Non. Quelques préjugés stupides, beaucoup d’ignorance, et aussi… un légitime scandale, qui pour le coup, est plutôt à mettre au crédit de l’Église catholique : on attend plus du prêtre que de l’employé de bureau, les fautes de l’un choquent plus que celles de l’autre.

Si j’osais, je vous glisserais bien un mot de la contraception… M. François H. va probablement me trouver arrogant : comme les 80 % de catholiques qui ont du mal avec l’enseignement de l’Église en matière de sexualité ? Il n’est pas question de dire que ces 80 % sont infaillibles, mais à ce niveau-là, l’arrogance, c’est, comment dire, légèrement insuffisant comme explication. On en viendrait presque à se demander de quel côté est l’arrogance. (Vous pouvez vous reporter à ce précédent billet pour une plus ample discussion du problème). Allez, j’ose, certains médias l’ont d’ailleurs relevé à l’époque : si l’Église avait un message plus crédible (il ne s’agit pas d’ouverture ou de laxisme, il s’agit de crédibilité, j’insiste) sur les questions sexuelles, peut-être lui serait-on moins tombé sur le râble à l’occasion de ces affaires.

Dans la suite de son texte, l’auteur aborde des questions de théologie – auxquelles il ne semble guère s’intéresser, il fait appel à des experts, dont je me permets de remettre en cause la compétence à juger de ce qui est catholique et de ce qui ne l’est pas (l’abbé de Tanoüarn entre autres). Sans rentrer dans les détails, car cela nous emmènerait assez loin, l’auteur se scandalise de ce que tout le monde n’adhère pas à l’école « thomiste » et à l’école « romaine », et stigmatise La Croix comme dominée par une école « néomoderniste » – qui n’existe que dans son imagination. Quand il en vient à excommunier le regretté Karl Rahner et Christophe Theobald, qui ne sont pas précisément des fauteurs d’hérésie, là, je regrette d’avoir à le dire… il se couvre de ridicule.  Disons, par charité, qu’il aurait dû prendre de meilleurs renseignements.

Qu’on me permette de suggère à M.  François H. de relire certains ouvrages du pape actuel, en particulier Foi chrétienne hier et aujourd’hui et Le nouveau peuple de Dieu. Il devrait en tirer un profit considérable, et qui sait, peut-être en arriver à comprendre qu’il y a toujours eu une diversité d’écoles théologiques dans l’Église catholique, et même une diversité très fortement marquée. Quand on pense à la controverse sur l’Eucharistie des IXe-Xe siècles, au jansénisme français ou à la crise moderniste, on se dit que notre époque, n’est, après tout, pas aussi chaotique qu’elle ne le paraît. Un sondage Opinionway dans les campagnes médiévales ou dans le Paris de l’an 1800 (à n’importe quelle époque, en fait…)  aurait sans doute donné des résultats tout aussi divertissants que ceux qu’il peut donner aujourd’hui.

Mme de Gaulmyn, j’en conviens sans peine, en fait parfois un peu trop, avec son obsession du sacerdoce féminin, qui ne semble guère préoccuper les jeunes femmes catholiques pratiquantes de ma connaissance. Remarquez cependant que jusqu’à preuve du contraire, elle reste catholique, et n’a demandé  à aucun évêque de l’ordonner prêtre. Présenter sa position comme catholique est hasardeux, sans doute. Est-ce si grave ? Est-on  bien sûr qu’un article en faveur du sacerdoce féminin soit une cause de scandale ?

Et enfin, plus largement, il y a la question de savoir si être catholique, c’est être dans la ligne du pape et de son entourage. Notre époque et ses médias de masse sont, c’est vrai, impressionnés par cet homme dont l’auditoire dépasse un milliard de personnes, et sa parole n’en a que plus d’impact. Ne nous faisons pas avoir. Le pape est le pape, mais il n’est que le pape – pour prévenir d’éventuelles remarques : je lui suis  tout dévoué, je me suis réjoui de son élection, je prie pour lui.  Nous avons aussi des prêtres, des évêques, de saints d’hier et d’aujourd’hui, et une foule de frères vers qui nous tourner pour qu’ils nous soutiennent dans la foi, l’espérance et la charité. Bref. Je suis long. Calmons-nous. Essayons d’accueillir un peu mieux la grâce de Dieu, d’aimer un peu mieux ceux qui nous entourent, et arrêtons de prétendre savoir mieux que le pape et mieux que Dieu lui-même qui est catholique et qui ne l’est pas. L’Église et le monde ne s’en porteront que mieux.

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D’autres billets utiles sur le même sujet, ou presque : Le temps d’y penser, Cathoweb, Ab imo pectore, Le Gambrinus, Sacristains.

22 réflexions sur “Être ou ne pas être catholique, telle est la question

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  3. Ce qui est quand même le sommet de la tartufferie, c’est ceci :

    « Le dialogue entre « catholiques » a ceci de problématique, qu’il n’est pas même oecuménique, mais interreligieux : on peut opposer terme à terme la foi du « tradi » et celle du progressiste : ils n’ont pas la même religion. Il faut donc que l’un soit catholique et l’autre non. Finalement, si chaque camp en vient aux anathèmes, ce n’est peut-être pas par hasard ; paradoxalement, c’est peut-être même par honnêteté intellectuelle. Il me semble que l’hérésie caractérisée est passible d’excommunication latae sententiae, or, puisque les positions s’opposent terme à terme sur des questions de foi, un camp n’est pas catholique, dont il faut que l’un soit hérétique donc excommunié de fait. (…) Je ne dis pas que vous n’êtes pas catholique. Je dis que vos écrits et vos déclarations exigent de sérieuses clarifications »

    Bref, il va de soi que pour Monsieur H, Isabelle de Gaulmyn est bien évidemment une vilaine hérétique et que LUI est un bon catholique.

    Arrogant ? Noooon…

    Grandiose.

    Et sans donner dans le féminisme à deux balles dans le pur jus Ségolène, je me demande vraiment à quoi ressemblerait la tribune de Monsieur H si son « adversaire » était un homme… mais c’est une autre affaire.

  4. En effet, Artémise, et pour ce qui est des anathèmes, il ne me semble pas en avoir lu dans La Croix. En revanche, du côté des sites tradis ou intégristes, et parmi mes amis de cette tendance, combien de fois ai-je entendu des doutes sur la catholicité de tel ou tel ? Et combien de fois m’a-t-on dit, comme le relate Baroque, que, si je ne crois pas à tel dogme, alors je ne suis pas catholique (étant précisé que ce n’est pas que je n’y croie pas, mais que j’ai d’autres problèmes à régler d’abord)…

    • @koz: pas d’accord!! Il y a aussi des anathèmes dans des journaux type la crois, sauf qu’ils ne sont pas identiques: il s’agit juste de dépeindre les tradis comme manquant de charité; et franchement quand je lis le deuxième texte de François H, c’est criant: il dit très clairement: ok, je suis peut être pas parfait, je suis sans doute trop tranchant, mais s’il vous plait, j’ai quand même le droit qu’on écoute ce que je dis, et que l’on ne réponde pas à coté!!!
      Parce que je suis sans doute naïf, mais je n’ai pas vu de réponse sur les sérieuses critiques de fond de larticle de françois H…

  5. J’ai relu la totalité des 3 article…

    Article 1: On commence par pointer le fait que la Croix parle de problème de la communication vaticane. (je trouve assez révélateur que l’auteur ne se demande pas s’il y en a). Il estime que cela masque le vrai problème: que ce ne sont pas les maladresses qui ont déclenché les critiques, mais vraiment une malveillance contre les propos du Pape; pour moi c’est selon: il y a clairement malveillance pour la pseudo affaire du préservatif, avec les troncatures AFP (qui est coutumière de ce type de déformations sur le sujet de la doctrine du Pape), associée à la doctrine du Pape.
    Pour Recife, il y a une bourde en communication… à condition d’oublier que toute l’affaire a été un montage et un piège prémédité pour affaiblir le message de l’Eglise avant le vote d’une loi sur l’avortement!! Pour Williamson, il y a très clairement une bourde énorme de communication, tout comme pour un rapprochement entre prètres pédophiles et ordination des femmes pointé par Koz. Mais il faudrait etre AVEUGLE pour se dire que les journalistes n’ont pas voulu se payer le pape, même si c’est pas parce qu’il est Pape, mais pour se faire un scoop et des articles très lu: y a pas de risque… et dans ce cas, il faudrait plutot y aller carrément, dire merde et pointer les mensonges et les approximations plutot que de pointer les fautes en permanence: on commet des fautes, on les reconnait, on s’en excuse, mais sinon, on remet les calomniatuers à leur place, et se foutant de savoir pourquoi ils sont pas foutus de faire des articles avec un minimum de rigeur… Que ça soit par hostilité ou incompétence ne change rien à l’effet, et ils ont vraiment les recherches sélectives…

    Face à ça, désolé mais je suis d’accord sur le fond avec le début de l’article: il faut quand même réagir, des fois se taire c’est approuver.

    Je continue: l’auteur dit qu’elle a lu les article de la Croix, qu’elle en a aimé, mais qu’elle en a assez du ton aséptisé des commentaires. Je dois avouer que moi aussi…

    Pour la Croix qui refuse de faire de la publicité pour la Marche, voire qui y est hostile, là je suis d’accord avec vous: ce procès d’intention est ridicule, et le fait de dire que c’est une attaque contre le magistère encore plus. Edmond a raison quand il dit que le but de la vie de chrétien n’est pas décrocher le BAC (cf sacristains). Ce que je dirais personnellement, c’est que s’ils le faisaient, j’apprécirais.

    Par contre sur la critique concernant cette phrase, « Les symptômes de la crise sont pour une bonne part des décisions du Saint-Père : « levée des excommunications », « propos du Pape sur le préservatif ». D’où il suit qu’un geste fait pour l’unité de la sainte Eglise et le rappel de l’enseignement des Papes en matière de morale sont des « symptômes de crise » »

    C’est dit sans précaution, mais le fond n’est pas faux. Et pointer le risque d’accréditer la thèse que le problème c’est Benoit XVI, ok. mais sous estimer que les auteurs ne sont peut-être pas bien intentionné envers la sainte Eglise, là ce n’est pas acceptable.

    Je trouve personnellement la critique de la thèse du livre juste sur le fond, mais trop virulente!! Quant à l’interprétation du livre suivant, là elle me semble hasardeuse. je dirais que l’auteur a lui tendance à limiter la vie chrétienne à une doctrine. Et le probklème ensuite est que tout reste sur cette ligne: l’auteur ne pense pas que l’on puisse faire une différence entre doctrine et attitude… L’exemple type est celui du célibat des prètres: ce n’est pas un dogme, mais une coutume bien ancrée…

    En revanche, le contrepied pris du magistère est là exact…
    Je vais devoir arréter pour le moment…
    Mais je me demande si le problème n’est pas que personne ne veut remettre en cause ses façons de faire et de penser… et dans ce cas il faut commencer par soi.

  6. Il me semble parfois que ce que regrettent les tradis c’est non seulement un pouvoir de contrainte propre au long Moyen-Age mais aussi le fantasme d’une unité absolue de la foi tant dans ses manifestations, ses Institutions que dans ses dogmes. Jean de la Croix fut capturé et fouetté, aujourd’hui on se prosterne devant son cantique spirituel, le grand Schisme vit trois papes cohabiter dans la fureur et la foi fut tout de même inentamée parce qu’elle se vivait et s’est toujours vécue selon des modes différents, on pourrait multiplier les exemples, on tomberait toujours sur ce roc, la foi est un mystère

    • Etant donné les différents articles que j’ai lu, j’ai plutot l’impression que le dialogue entre « tradis » et « progressistes » est un dialogue de sourds, ou personne n’a admis que l’autre était différent:

      Les « tradis » sont très attachés à la doctrine et n’hésitent pas à faire savoir leur désaccord, y compris d’une manière limite brutale; et le meilleur moyen de les braquer est de traiter une question doctrinale par dessus la jambe, ou de parler d’autre chose lorsqu’ils souhaitent faire remarquer ce qu’ils pensent comme une erreur.

      Et comme pour les « progressistes », il est hors de question d’écouter une critique si ils ont l’impression qu’elle est faite de façon trop tranchante, et que dans ce cas il faut d’abord demander des excuses, sinon il n’est même pas envisageable de discuter, et comme en plus « tradis » et « progressistes » ont une assez longue teradition de controverse pour le moins… acharnée, on en arrive à une situation où:

      Dès qu’un tradi fait une remarque à un progressiste sur un point de doctrine selon lui inexact, le progressiste se sent immédiatement attaqué en raison d’un manque général de délicatesse, que cela soit justifié ou pas; où lorsqu’un progressiste fait une remarque sur un point qui N’EST PAS un dogme, mais une coutume qui au point de vue doctrinal peut parfaitement changer, il y a remise en question de toute la foi catholique…

      Et dans ce cas-là le schéma est le même: un des deux cherche à faire une remarque constructive, l’autre se braque, réagit de la façon dont il ne faut pas, et le premier se braque à son tour; et puis les noms d’oiseau volent: le tradi se fait de plus en tranchant et affirmatif, et le progressiste répond en s’indignant du ton sans rien répondre sur le fond… ce qui a le don d’énerver le tradi.
      C’est un vrai dialogue de sourds, et perso c’est comme ça que je lis cet échange de lettres…

      Alors franchement, plutot que de ressortir les éternels clichés sur tradis forcément intégriste, négationnistes, racistes et tutti quanti, ou sur les progressistes protestants, qui savent avoir tort et veulent pas l’admettre, et qui considère toute personne n’étant pas de son bord n’a nécéssairement aucune charité, je préfererais qu’on se demande TOUS (donc vous qui me lisez et moi qui écrit: pas les autres, mais vous d’abord) si des fois, par hasard, la personne insupportable en face de nous pourrait ne pas avoir raison.
      Et si en plus, les tradis font l’effort de réfléchir à l’impact de leur formulation sur ceux à qui ils s’addressent, et si les progressistes voulaient bien aller au delà de la formulation pour vérifier si des fois il y aurait pas des trucs vrais dans ce que les tradis racontent, voire essayer de corriger de façon argumentée ce qu’ils estiment être des conneries, on pourrait peut-être meme se rendre compte que quand même… on est frère dans le christ

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  8. Comme le dit bien Memento Mouloud, il y a clairement une vision que je qualifierais d’ultramontaine, dans un sens global et excessif.

    Pour revenir à des temps moins éloignés que Jean de la Croix ou le grand Schisme, aux XVIIIe et XIXe siècle des questions comme la dévotion au Sacré-Coeur ou à l’Immaculée Conception étaient ouvertement débattues au sein de l’Eglise, sans excommunications à tout bout de champs. Et les rites étaient locaux, modifiés, adaptés, sur chaque territoire. Et la question de l’autorité du Pape faisait largement débat au sein même de l’Eglise, chez des prêtres, des moines, des théologiens.

    On a une vision de l’Eglise complètement formatée par l’ultramontanisme de la fin du XIXe, question nettement plus politique et territoriale que théologique faut-il le rappeler, et les catholiques ont bien du mal à se souvenir que cette vision très « je ne veux voir qu’une tête » ne date finalement que d’une grosse centaine d’années. Du coup, de même qu’on voit des royalistes plus royalistes que le roi, on voit des catholiques plus catholiques que le pape, et se permettant de décider (je l’ai vécu) si telle messe est « valide » ou ne l’est pas, si tel prêtre est catholique ou ne l’est pas…

    Pour provoquer, je dirais que cette posture où chacun se fait le juge de son voisin est une posture typique d’un régime totalitaire. Mais là où est le comique, c’est que les gens qui se mettent dans cette posture le font dans une institution qui n’est justement pas totalitaire… le problème me semble donc essentiellement politique et non religieux : cette posture attire des personnes qui se sentent à l’aise dans une société autoritaire, voire totalitaire.

    (oui je sais, je suis excessive 😉 )

  9. Pour ma part, j’ai trouvé ce François H. assez convaincant. Les journaux chrétiens sont quand même très mous-du-genou, et préfèrent systématiquement dire « hé bien, heu, ni oui ni non, c’est épineux, il faut suivre son cœur et écouter sa conscience » plutôt que de dire « un bon chrétien a une réponse claire, le catéchisme le mentionne d’ailleurs dans tel chapitre, tel saint en a illustré un excellent exemple, et le Pape en a encore parlé le mois dernier. Ce petit article vous éclairera le pourquoi du comment avec des mots simples ».

    Je crois très sincèrement que La Croix, la Vie ou Famille Chrétienne ont un sérieux besoin de sang neuf ; il m’arrive régulièrement de me demander si certains articles ne sont pas plutôt protestants ou bouddhistes. J’exagère à peine !

    Il existe un fait connu dont tout le monde confirme l’existence dans les conversations privées : l’enseignement catholique refoule régulièrement les candidatures catholiques quand il veut recruter des profs. On préfère embaucher des athées, voire des musulmans [la caution œcuménique, il faut vivre avec son temps, idéologie de la diversité, etc.]. Et la substance chrétienne de l’enseignement catholique a quasiment disparu. Tout le monde s’écrase devant le religieusement correct. Ça fait « ouvert de’esprit » vous comprenez… Il ne faut pas s’étonner que les écoles hors-contrat fleurissent partout ! En tout cas, si j’ai la chance d’avoir des enfants, il est évident que je leur choisirai une école vraiment catholique, avec un catéchisme solide, et une transmission de valeurs digne de ce nom. Je suis passé par l’enseignement catholique « standard », école, collège, et lycée de très bonne réputation, et personne n’a jamais su m’y donner de nourriture spirituelle digne de ce nom…

  10. Artemise,

    Tu donnes dans le féminisme à deux balles.

    Koz:
    Pas d’anathèmes dans la Croix ? Mais bien sûr, comme si Sénèze était bien évidemment le parangon de la vertu journalistique concernant les tradis.

    @ MM:
    Moui, et ?

    @ F+:
    +1

  11. @ Artémise et Polydamas sur le féminisme

    François H. me semble tout de même inutilement agressif. On sent sous sa plume un fantasme de la « laïque engagée » progressiste à œillères, etc. Et chacun reconnaîtra que le soi-disant « rôle naturel » de la femme est très présent dans le discours que tiennent les tradis et « cathos conservateurs ». Même si la réalité est souvent bien loin de ce discours…

    @ MM

    Y’a de ça, c’est certain. Y’a qu’à voir les options politiques d’une grande partie des catholiques en question. Mais ne généralisons pas. Si dans la quasi-totalité des foyers tradis ou intégristes où je suis entré, il y avait une bibliothèque abondamment fournie en Vichy-Algérie française – quand ce n’est pas plus hard – c’était probablement un hasard.

    @ Koz et Polydamas sur les anathèmes

    Là, je serais plutôt d’accord avec Polydamas : on s’anathématise tout autant dans les deux camps, et c’est bien regrettable.

    @ Z.

    Tout à fait d’accord !

  12. @ F+

    J’aime beaucoup vous lire, Fromage, mais votre histoire du « bon chrétien qui trouve ses réponses dans le catéchisme », ça me donne des frissons. Je ne suis pas sûr qu’il faille opposer deux méthodes de catéchisme ou de formation religieuse en général. Les rencontres, les découpages et les parties de foot, ça ne suffit pas, c’est certain. L’histoire sainte et le catéchisme de l’Église catholique non plus. J’ai testé les deux, comme catéchisé et comme catéchiste. Il est possible de trouver un juste milieu, entre ceux qui ouvrent le catéchisme de l’Église catholique pour te dire « ah, voilà, tu vois bien, tu dois croire ça » et ceux qui se complaisent dans les doutes et le flou artistique.

    Je ne vois pas pourquoi il faudrait se référer à l’avis du pape sur tout un tas de sujets, y compris de foi et de mœurs. Le rôle démesuré que joue aujourd’hui le pape dans l’Église catholique (depuis le XIXe – et même avant – le mouvement de centralisation ou plutôt de focalisation, ne fait que se renforcer) est de toute évidence une anomalie historique sur laquelle il faudra revenir un jour, Benoît XVI en était parfaitement conscient quand il s’appelait Joseph Ratzinger (voir Le nouveau peuple de Dieu, que décidément je ne saurais trop recommander). Et je dis cela alors que je suis un grand fan du pontife actuel.

    Sur La Vie, Famille chrétienne & co. du sang neuf ne ferait sans doute pas de mal, mais pour certaines publications de l’autre camp (Monde et Vie, France catholique, Permanences…) il faudrait débrancher la perfusion et transférer le patient en soins palliatifs. L’Homme nouveau, ça n’est pas mal.

  13. J’aime bien que Polydamas commence son commentaire en disant à Artémise qu’elle « donne dans le féminisme à deux balles » (même en reprenant son com’) pour ensuite sembler regretter les anathèmes.

  14. Cher B&F,
    Non, il ne s’agit pas de se référer aveuglément à un machin déjà écrit dans un bouquin pour se dispenser de réfléchir : il s’agit de rappeler que l’Église planche sur tout un tas de sujets depuis 2000 ans, et qu’elle en a tiré des enseignements structurés, argumentés, et que nous ferions bien d’avoir l’humilité de consulter de temps en temps pour nous aider à comprendre comment incarner davantage une certaine charité. De nos jours, le mot « dogme » est extrêmement péjoratif. Il est pourtant rempli de vertus, à commencer par une certaine image, disons, patriarcale, particulièrement bienvenue en ces temps où l’on glorifie l’errance et le relativisme.

  15. question sans rapport ultra direct avec votre billet, mais vous me semblez qualifié pour répondre

    depuis quelques mois je euh … retrouve le christianisme. quelles lectures fondamentales me conseillez vous ?

    merci par avance, vraiment

  16. Loi de Godwin (modifiée) : Plus un débat avec les traditionalistes dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une allusion au Syllabus et au dogme de l’infaillibilité pontificale s’approche de 1.

    Relisez le texte de François H. et vous verrez que les mots fatidiques y figurent. Le point Godwin a été atteint. On peut considérer que le débat est clos, avant même d’avoir commencé.

    Le Syllabus, l’infaillibilité pontificale invoquée à tort et à travers, c’est le degré zéro de la théologie.

    • Malheureusement, ça marche aussi de l’autre coté, avec les accusations de manque de charité ou d’intégrisme…

      Je le redis: pour moi on ferait bien d’aller au delà de ce type de réflexe…

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