Chartres sonne

Dans quinze jours, les pèlerins de Notre-Dame de Chrétienté feront route de Notre-Dame-de-Paris à Notre-Dame-de-Chartres. Cette année encore, malgré l’aimable invitation des organisateurs – se souvenir de moi, après si longtemps… je suis touché -, je ne m’y rendrai pas, ayant d’autres obligations. Néanmoins, en hommage à ces courageux marcheurs, voici un court texte de Michel Tournier, que les connaisseurs trouveront sans doute divertissant – quant à moi, il me divertit d’autant plus que mon visage, pur ou patibulaire, a peut-être été l’un de ceux qu’a observés l’écrivain…

« Je me mêle aux quelques dix mille pèlerins qui arrivent à pied de Paris et suivront la messe après-demain à Notre-Dame-de-Chartres. Ils ont quarante kilomètres dans les jambes et certains se traînent. Ils passeront la nuit dans un immense camp établi à deux pas de chez moi [1]. On remarque beaucoup d’êtres charmants, de nombreux visages purs et naïfs, mais aussi dans les plis des bannières combien de faces obtuses et patibulaires ! Cette foule, sans doute parce qu’elle est réunie par une foi commune, paraît sensiblement plus typée, stéréotypée qu’une foule assemblée par le hasard. Abondance de personnage pittoresques, caricaturaux ou d’une impressionnante beauté. »

(Michel Tournier, Journal extime, Paris, La Musardine, 2002, p. 96)

[1] Tournier habite à l’époque à Choisel, lieu où bivouaquent les pèlerins au terme de leur première journée de marche.