Qu’un milliard d’articles s’épanouissent

Une fois n’est pas coutume, parlons de Wikipédia. Il y a quelque temps, j’ai suggéré sur le Bistro [page qui sert plus ou moins de forum aux utilisateurs de l’encyclopédie] que le nombre de sujets à traiter restait extrêmement élevé, et qu’il était probable que seulement 0,1 à 1 % des sujets potentiels pour un article encyclopédique aient été traités jusqu’ici. Un éminent blogueur se demande d’où sortent ces chiffres.

Si 0,1 à 1 % des sujets ont été traités jusqu’ici et que Wikipédia en français compte un peu plus d’un million, cela voudrait dire qu’il pourrait y avoir de cent millions à un milliard d’articles. Je conçois que certains puissent être effrayés par cette perspective. Je peux même comprendre que d’autres sourient avec indulgence. Pourtant, ces ambitions me semblent bien modestes. Voyons voir.

– Les 1,5 à 1,8 millions d’espèces animales et végétales qui sont aujourd’hui décrites scientifiquement. Nombre qui est en augmentation constante, et qui pourrait flirter un jour avec la dizaine de millions (les estimations les plus couramment admises vont de 3 à 30 millions d’espèces existantes). Quant aux bactéries, on en connaît aujourd’hui environ 9 000, mais il en existerait de 10 millions à 1 milliard. Compte tenu de certains progrès techniques sur lesquels je n’ai aucune lumière particulière, le nombre de bactéries connues devrait exploser au cours des décennies à venir.

– Les biographies. Il en existe aujourd’hui deux à trois cents mille sur Wikipédia en français. Il semble tout à fait raisonnable de prévoir que ce nombre puisse décupler à moyen terme. Au minimum. Wikipédia en anglais est loin d’être complète (en particulier pour tout ce qui concerne le monde non anglo-saxon), et elle contient trois à quatre fois plus de biographies par année de naissance que l’édition francophone. Il me semble très raisonnable d’imaginer que le nombre d’êtres humains pouvant faire l’objet d’un article encyclopédique est de l’ordre de la dizaine de millions. Après tout, ça ne fait jamais qu’un être humain sur dix mille (on estime à cent milliards le nombre d’êtres humains ayant vécu depuis le commencement de l’humanité – si tant est qu’une pareille chose existe). Bien sûr, il faudra inclure quelques centaines de milliers d’officiers de cavalerie, de maires de petites villes de province, de sous-préfets et d’artistes de quatrième ordre. Cela promet d’épiques batailles en pages à supprimer. Nous sommes nombreux à nous en divertir d’avance.

– Les corps célestes. Quatre cent milliards d’étoiles dans la seule Voie lactée. Le Sloan Digital Sky Survey a 357 millions d’objets dans son catalogue, avec, pour chacun, des données chiffrées. Bien entendu, l’extraction sauvage de base de données est l’un des péchés capitaux du wikipédien. Mais qui nous dit que d’ici quelques années, des accords ne permettront pas de mettre sous licence libre l’ensemble de ces données ?

– Les œuvres d’art. Des 507 concertos de Vivaldi aux 550 tableaux de Fragonard, en passant par les 192 romans de Simenon, les opportunités ne manquent pas. Sans parler de l’art public : les curieux et les sceptiques pourront observer l’admirable travail qui a été fait par nos amis anglophones sur l’art public à Washington D.C., et les exhaustives listes des œuvres d’art public parisiennes, par arrondissement.

– Les noms d’objets géographiques. Ici, nous nous aventurons sur un territoire inconnu, presque vierge, si l’on excepte quelques pays d’Europe – mais il y a un ou deux ans encore, une ville espagnole de plus de cent mille habitants n’avait pas d’article. Il existe à l’heure actuelle à peine une centaine d’articles portant sur des villes de République démocratique du Congo – un pays qui compte près de soixante-dix millions d’habitants. Dans le même pays, il n’y aurait à l’heure actuelle qu’une centaine de cours d’eau. Je m’avoue surpris. L’Indonésie compte plus de dix-huit mille îles, dont cinq cents, peut-être, ont à ce jour l’honneur d’un article. Il existe à peine quelques centaines d’articles commençant par « Forêt », alors que presque chaque commune française a un ou plusieurs bois et forêts, avec leur histoire et force monographies d’érudits locaux.

Bref, voilà plusieurs dizaines, si ce n’est centaines de millions de sujets sur lesquels il est possible d’écrire des articles. Pas nécessairement des articles fleuves de 100 kilooctets, mais des articles clairs, informatifs, éventuellement illustrés et/ou géolocalisés, reposant sur des sources vérifiables. Je méprise cordialement par avance ceux qui poseront la question : quel intérêt ?

Alors, un milliard d’articles ? Oui. Pour commencer.

5 réflexions sur “Qu’un milliard d’articles s’épanouissent

  1. Pingback: links for 2011-03-12 « Personal Link Sampler
  2. Juste une petite digression : nous nous dirigeons donc vers le moment où il y aura bientôt plus d’humains en vie que d’humains ayant vécu depuis le commencement de l’humanité ?

  3. Le Temps où Goethe pouvait prétendre rassembler « l’ensemble des connaissances répandues sur la surface de la Terre » (L’Encyclopédie Diderot d’Alembert dixit)est clos. Plus aucun humain ne peut plus intégrer le jeu des petites variations locales. A la limite, on pourrait dire que le projet encyclopédique des Lumières est victime d’une certaine obésité jusqu’à l’inertie absolue

  4. Avant de se poser la question légitime de la masse de sujets restants à traiter, il serait peut-être aussi de bon ton de chercher à améliorer la qualité globale des articles, systématiser l’utilisation des références, éviter les paragraphes vides qui font rien qu’à se balader dans le texte, etc – pour rester dans la comparaison entre la wiki fr et son parent anglophone.

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